DE VOUS À NOUS
DE VOUS À NOUS
Quelle logique perceptive organise notre regard lorsqu'il parcourt une page ou une image ? Comment certaines compositions nous apparaissent intuitivement claires et harmonieuses, tandis que d'autres semblent fragiles ou confuses ? Voici les fondements essentiels de la composition : règle des tiers, espace négatif, équilibre, alignement, hiérarchie visuelle, rythme, répétition, proportions.
La composition graphique n’est pas un jeu de formes isolées, mais une architecture visuelle qui guide le regard. L’espace, à la fois positif et négatif, est la clé de l’ordre visuel. L’espace vide, loin d’être vide de sens, fonctionne comme un orchestrateur : il fait respirer la mise en page et permet à l’œil de distinguer les éléments importants. Ce que les Japonais nomment "Ma" trouve dans le design une équivalence fonctionnelle, comme on le voit dans les logos qui exploitent régulièrement le vide comme forme expressive.
Mais penser ce que l’on voit, c’est d’abord savoir où poser le regard. La règle des tiers guide le placement en évitant le centrage absolu, générateur de stagnation visuelle. En alignant les points d’intérêt aux intersections de la grille, on crée une dynamique, une tension maîtrisée. Ce principe, bien que simple, reste un réflexe fondamental pour animer le regard, et a donné naissance à des déclinaisons comme la méthode diagonale (DM), qui invite à positionner les éléments le long des forces diagonales d’une image.
L’alignement et l’équilibre, qu’il soit symétrique ou asymétrique, forment la structure de la stabilité visuelle. L’alignement crée une lisibilité fondamentale, tandis que l’équilibre redistribue les forces sur la page. Une composition est forte quand elle domine le chaos sans l’exclure, qu’elle répartit les tensions formelles sans rigidité excessive.
Structurer le regard implique aussi de hiérarchiser : le contraste, la taille, la complexité deviennent des variables perceptuelles qui ordonnent les éléments selon leur importance. Cette hiérarchie visuelle repose sur les lois de la perception, naturellement analysées par la Gestalt, pour créer un parcours privilégié, où l’œil identifie les éléments dominants avant d’explorer les autres.
La composition ne doit jamais perdre son souffle. Le rythme visuel, génération de mouvement par la alternance des formes, couleurs ou typographies, insuffle de la temporalité à la lecture. Cette répétition contrôlée crée du flux et du tempo, intégrant la composition dans une expérience vivante plutôt qu’un simple regard statique. Les proportions, qu’elles s’inscrivent dans la règle des tiers, le nombre d’or, ou d’autres rapports visuels, traduisent une exigence d’harmonie qui n’est ni esthétique pure ni dogmatique, mais organique et perceptive.
La composition est pensée, non instinctive ; la maîtriser, c'est la base de la grammaire visuelle. Ce qui fait la force d’un design, c’est cette partition invisible entre vide, forme, rythme et sens. Comprendre que le silence (espace négatif) est aussi constituant que le motif, que le regard s’oriente par contraste et rythme, transforme la composition d’un acte de mise en page à un acte de pensée visuelle.