DE VOUS À NOUS
DE VOUS À NOUS
Le manifeste, dans l’histoire du design graphique, n’est jamais un simple texte d’intention. C’est une prise de position, un geste performatif qui transforme une pratique en discours et une discipline en conscience. Depuis le Bauhaus et l’utopie d’un art total, jusqu’au célèbre First Things First de Ken Garland en 1964, les manifestes ont jalonné la trajectoire du design en rappelant que chaque image engage une éthique, une responsabilité et un rapport au monde. Ils ne décrivent pas seulement ce que le designer fait, ils affirment ce qu’il doit faire.
Si Garland invitait ses pairs à délaisser la publicité de consommation pour se tourner vers des projets d’intérêt public, d’autres voix ont prolongé cet appel en explorant de nouvelles formes : An Incomplete Manifesto for Growth de Bruce Mau, écrit à la fin des années 1990, inscrit le design dans une dynamique d’ouverture et d’expérimentation permanente ; le Conditional Design Manifesto (2008) place quant à lui la contrainte au cœur du processus, transformant la méthode en matière de création. Ces textes, comme les grilles typographiques qu’ils mobilisent souvent, donnent une structure au champ graphique tout en laissant place à l’inattendu.
Lire un manifeste, c’est reconnaître qu’il existe une grammaire visuelle partagée. Comme le langage, elle repose sur un vocabulaire (formes, couleurs, images, typographie, espace, mise en page) et une syntaxe (composition, hiérarchie, rythme). Mais au-delà des règles, c’est la voix singulière qui fait le manifeste : chaque auteur engage une vision qui dépasse l’exécution des outils pour toucher à la pensée. Kress et van Leeuwen, dans Reading Images, ont montré que les images possèdent une structure langagière propre. Le manifeste du designer en est la mise en acte : une tentative de formuler les règles implicites d’un langage visuel et de les orienter vers un projet commun.
Dans le contexte contemporain, saturé d’images, de flux numériques et d’IA générative, le manifeste retrouve une actualité brûlante. Il ne s’agit plus seulement de défendre une esthétique, mais de poser la question : que signifie être designer graphique aujourd’hui ? Est-ce reproduire des tendances, ou bien construire une pensée critique, éthique et durable de l’image ? Le manifeste devient alors un outil réflexif, un miroir qui oblige le designer à se situer, à expliciter ses choix, à affirmer la portée politique et sociale de son travail.
Un manifeste intéressant n’est pas un dogme. C’est une invitation : il propose, il provoque, il inspire. Il ouvre un espace où théorie et pratique se rejoignent, où la rigueur méthodologique rencontre la liberté créative. En cela, il reste un exercice central de la discipline, un terrain de dialogue entre l’histoire, la pratique et l’avenir.
Si ces mots résonnent avec vous, si cette façon de penser en visuel vous parle, alors vous avez déjà en vous la Pensée Design Graphique. Et si vous souhaitez la perfectionner, approfondir cette grammaire et l’appliquer à votre pratique, contactez-n●Ⓤs.