L'Œil de NOUS
L'Œil de NOUS
Les métiers du design se recomposent autour d’écosystèmes de services, d’IA génératives et d’interfaces prolifiques, une question simple devient structurante : comment enseigner non pas “à faire de belles images”, mais à raisonner avec des images ? Medley et Haddad proposent une réponse pragmatique : apprendre aux étudiants à dissocier l’“image” (le contenu visuel visé) de la “picture” (la manière choisie de la figurer), puis à moduler la fidélité picturale selon la tâche de communication. Le texte articule ainsi une pédagogie de la visual literacy qui dépasse l’esthétique pour former à l’intentionnalité et à l’adéquation au contexte d’usage. C’est un tournant utile : l’article offre un protocole transmissible, ancré dans des références solides et immédiatement mobilisable en studio.
Sur le plan méthodologique, l’article propose des ateliers outillés. Les exercices “Breaking Images” amènent les étudiants à décomposer, caricaturer, déplacer des “landmarks” morphologiques, puis à recomposer en deux cases de bande dessinée. On entraîne ainsi la sélection des traits pertinents et la capacité de cadrer la tâche : classer plutôt qu’identifier, schématiser plutôt que détailler, faire émerger l’intelligible plutôt que l’irréprochable mimétique. Cette pédagogie est testée sur des projets courts, illustrée par un continuum de réalisme et reliée à des problèmes de communication hautement contraints (par ex. la conception de signes d’alerte compréhensibles à très long terme). Le bénéfice attendu : une confiance accrue des étudiants dans leurs choix picturaux et une transférabilité vers le design de services, l’illustration d’information ou la conception d’interfaces.
L’enjeu professionnel est net : dans un marché qui valorise des capacités durables (problem framing, visual reasoning) plus que des compétences outils à obsolescence rapide, cette approche recentre la formation sur l’agency visuelle. Medley & Haddad relient ce virage aux tendances synthétisées par Meredith Davis (Design Futures) : le poids croissant des environnements web et interactifs exige des designers capables d’argumentation picturale et de dialogue visuel. Les exemples de contrats visuels et d’illustration procédurale en entreprise montrent que ce saut existe déjà hors de l’école : on ne “fait” plus seulement des images, on négocie des conséquences avec elles.
La conversation européenne sur les compétences visuelles (ENViL), définit la littératie visuelle comme un ensemble de capacités intentionnelles à décoder/encoder des images et à justifier le choix d’une stratégie picturale au regard d’une situation. Ce point est décisif dans un contexte d’IA génératives : la disponibilité infinie d’images rend d’autant plus rare et stratégique la capacité à cadrer la tâche et à choisir la bonne fidélité.